LA FAUCHEUSE/ NEAL SHUSTERMAN

ROBERT LAFFONT

COLL. R JEUNES ADULTES

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A PARTIR DE 16 ANS

: "La Faucheuse" est un roman très intrigant, par son décalage de départ plutôt tordu, d'un humour pince sans rire très noir.

Nous sommes dans un univers et une époque où l'homme est arrivé au bout du rêve, il a réussi à avoir une main sur le temps et la mort, il peut revivre à loisir et choisir l'âge du nouveau recommencement.

L'éternité "rock 'n roll".

L'auteur arrive à nous pondre un regard philosophique sur la fragilité et la mortalité des choses, sur leur importance pour apporter du sens à l'existence, de la valeur aux éléments.

En bon philosophe donc et chargé d'une mission écologique responsable, une autorité administrative vient réguler ce désordre d'orgueil et maîtriser les problèmes de surpopulation. C'est le calcul d'une intelligence artificielle qui a pris le pouvoir.

Ainsi, les faucheurs interviennent-ils, dilligités et appartenant à un haut du panier nouveau, pour retrouver un équilibre en apportant une note définitive à l'existence, les victimes plus ou moins triées au hasard sur des critères sociologiques fixés.

Société n'ayant plus de souci avec la maladie, cela rend tout à chacun méritant de se sacrifier pour le bien commun contre son gré.

Chacun est digne de permettre aux autres de mieux vivre.

Ne nous leurrons pas, les Faucheurs sont des tueurs professionnels et c'est ce qui est étrange, malaisant et drôle à la fois.

Cira et Rowan, deux ados qui se sont opposés à l'action de "glanage" du même faucheur, se sont vus choisis pour lui succéder, contre leur gré.

Les meilleurs éléments sont ceux qui ne veulent pas devenir faucheur, selon leur instructeur et ils seront entraînés l'une et l'autre pour qu'il n'y en ait qu'un de choisi.

Une bonne question cependant de leur part.

Pourquoi devraient-ils faire l'effort d'être exemplaire pour un poste dont ils ne veulent pas?

C'est toute la beauté de la chose et du roman, cela n'implique pas qu'eux mais aussi leurs prôches.

Maître Faraday va ainsi leur inculquer la noble éthique des faucheurs.

Et l'on a de nouveau envie de sourire.

Mais pas longtemps.

Sur l'autre moitié du roman, la tension va monter d'un cran, après leur examen de passage que Citra et Rowan auront volontairement saboté.

Un Faucheur cruel, Maître Goddard, les puniera de leur affront, arrivant à faire voter que les deux apprentis repassent l'épreuve et qu'ils aient à s'affronter à mort.

Cela monte encore d'un cran.

Maître Faraday met fin à ses jours ( c'est ce que l'on dit, sans détails)pour créer un précédent et annuler leur apprentissage.

Maître Goddard se proposera généreusement de prendre les deux apprentis. Dame Curie, l'examinatrice, s'empressera de lui retirer Citra.

Nous suivrons donc d'un côté un apprentissage avec Dame Curie aussi rigoureux que celui de Faraday mais d'une éxécution plus expéditive et les précepts sans pitié faisant du faucheur une superstar du crime avec Maître Goddard.

Citra et Rowan souffriront dans leur chair ou dans leur âme même si ils n'ont pas encore le droit de glaner, avec cette perspective planante, conservée, de s'affronter au final.

Rowan résistera à la formation de Goddard qui fait un défi de le convertir à son art du crime sans impunité, dans le plaisir du meurtre public et l'art du spectacle. Il tentera de sauver son âme. Citra aura un bien meilleur maitre avec Dame Curie mais elle ne pourra s'empêcher d'enquêter en secret sur les circonstances de la mort de Maître Faraday. Cela pourrait être un crime...

Les personnages sont charismatiques et Neal Shusterman arrive à construire des situations et des réflexions fortes autour de la Mort et de la Vie.

On rit jaune, on rit noir, on est écoeuré de la légèreté donnée à l'existence à tous niveaux dans ce drôle d'univers, c'est là que nous attend Neal Shusterman, il veut nous faire réagir. L'auteur oppose un crime sur l'Humanité pour un autre, des bourreaux aux victimes et cela nous touche dans notre propre humanité.
Dans cet univers où nous ignorons ce qu'est un paradis terrestre, nous n'ignorons aucunément en revanche qu'il y ait un diable.
Goddard est un méchant hors du commun et nous réclamons vengeance pour Citra et Rowan.
Le tome 2 répondra t-il à cette attente de lecteurs, une réparation?

C'est original, percutant et l'auteur arrive à rendre le récit captivant malgré ce thème très très poil à gratter.

Il est assez à rapprocher de la série Young Adult "Book of Ivy", avec moins de romance et plus d'humour en filigrane, du second degré pour ne pas le prendre trop au sérieux.