SARBACANE
2020
9782377314652
A PARTIR DE 15 ANS
: Rien qu'à la première de couverture, on ne s'y attendrait pas.
Nous nous attendrions avant lecture à un récit nostalgie, l'itinéraire d'une " ex-fan des sixties", une adolescente, qui peut-être découvrira cette période rétro de la chanson avec les Jacques Dutronc, Françoise Hardy, Johnny Halliday et Sylvie Vartan de la revue " Salut les Copains".
Il faudra lire la quatrième de couverture et quelques lignes lues pour se rendre compte que le personnage en présence est un garçon.
Peu nous importera, sa personnalité d'ado angoissé et hypocondriaque nous plaira déja.
Notre jeune homme n'a que 15 ans et dans cette réalité imaginée par Clémentine Beauvais, la Présidente de la République française réinstaurera le service national et le service civique ( ça vous parle, jeunes lecteurs?).
Tandis que les " vieux de la vieille" y auront goûté après les études dans la vraie vie, les jeunes de ce roman devront l'intégrer comme un programme pris en charge par l'Éducation Nationale.
Ceci leur permettra à ce stade de leur vie de commencer à réfléchir sur leur avenir et les réalités de la vie professionnelle (cela prendra en quelque sorte le relais du fameux projet de stage de quelques jours en 3ème, que nous connaissons bien depuis des générations).
Nos jeunes héros signeront pour 10 mois dans un lieu qui devra leur correspondre. Et comme dans un vrai stage universitaire, il faudra suivre une sorte de journal de bord pour adopter le recul nécessaire, un devoir de plusieurs pages.
Lecture.
On rit déja beaucoup des appréhensions de notre héros qui ne sait pas encore de quel bois il peut être fait avec ses anxiétés. Ses retours écris ( une vue directe sur ses notes) sont à la fois cliniques et naïfs, cela fera vraiment sourire. Rendez-vous donc, du Sud vers le Nord, en terre inconnue.
Le Nord.
Il faudra se mettre à sa place. Comme ceux et celles qui devaient faire leur service national, il ne sera pas envoyé à deux pas de chez lui, c'est excitant et effrayant de voyager sans les parents.
Le rapport de Valentin( c'est son nom) sera riche, détaillé et aussi ponctué dans le temps. Il y aura deux regards, le Valentin en immersion et celui avec le recul, qui reprendra ce souvenir avec nous, le stage fini.
Les jeux de typographie permettront de s'y retrouver, entre le Valentin du présent, sans doute plus âgé d'une expérience vécue et celui plus timoré du stage. Abandonnant ce dernier, nous sortirons des pages de son rapport pour se pencher sur son vrai sentiment sur l'expérience. Le contraste des discours sera forcément amusant, entre le discours formel - qu'il plaît à dire à des adultes, pour ainsi assurer les grands de sa complète adhésion à l'expérience, je suis l'ado bien conscient de la responsabilité croissante qui m'attend- et celui de l'ados encore mineur qui fait clairement dans ses chaussettes, si l'on peut dire.
L'aventure chez les Seniors.
Même avec humour, nous aurons l'occasion de nous plonger sérieusement en immersion avec le personnage, dans son service civil plus vrai que nature à l'Aide à la Personne.
Bienvenue au Centre Mnémosyne, dans la section des personnes âgées atteintes de démence ( de sénilité, comme l'on disait avant, en d'autres termes).
Valentin aura la tâche lourde de partager ses journées au centre entre autres avec Mme Laurel, une grande fan de la chanteuse Françoise Hardy et de son époque sixties de la revue "Salut les copains".
Le jeune ado devra gérer le paradoxe de ne pas contrarier une personne qui se croirait parfois à cette époque et qui pourtant est aussi consciente d'avoir 70 ans.
Nous attendrons forcément, suivant ce contexte, une délicatesse spéciale et un tact particulier entre les lignes de Clémentine Beauvais tandis que son personnage Valentin maintiendra constant un respect obligatoire à la personne, et âgée, et malade.
Le personnage.
Valentin est un garçon sympathique même si un peu stressé, un peu paumé en général d'ailleurs.
Sa maîtresse de stage n'est pas là pour l'accueillir, c'est presque un désintérêt ou un désamour pour lui qui manque de confiance en lui-même. Il aura le réflexe automatique des choses qui se font en société, souvent pour ne pas froisser, pour ne pas s'attirer d'ennuis. La situation des personnes séniles va l'obliger à sortir de sa coquille, à abandonner sa zone de confort.
Le stage est en amont très bien préparé et c'est ce qui le sauvera, il n'aura qu'à s'agripper au fil rouge des questions de son dossier et avancer doucement.
L'élément embarrassant: il mentira maladroitement une fois, sur les bons tuyaux d'un ancien stagiaire, se prétendant fan de Françoise Hardy (lui qui ignore qui c'est). Et ce mensonge le poursuivra. On lui demandera un service qui sera difficile à rendre sans avouer la vérité.
Avouer la vérité: def. sortir de sa zone de confort malgré soi.
On se rendra compte, en rentrant de plus en plus dans le roman, qu'il devait être peut être compliqué d'imaginer, de choisir le personnage principal.
Cela n'aurait pas donné la même chose avec un ou une jeune élève trop compatissante, qui comprendrait beaucoup plus vite les tâches à effectuer, avec un ado qui aurait l'habitude d'assister des personnes âgées dans son quotidien.
Le cas de Valentin injectera, avec sa maladresse maladive teintée de timidité, un peu d'humour dans un univers qui en manquera forcément naturellement. Ce conjuguera la tendresse qu'il nous inspire à celle des résidents.
Valentin est un vrai phénomène à découvrir, atypique mais aussi juste un peu ado mal dégrossi, un vélo qui file pour la première fois sans les petites roues et hors des rues du quartier.
L'auteure semble semer un peu le doute, tournant autour du handicap sans mot dire dans la majorité du livre, avec son quart asiatique qui se marie avec un caractère obsessionnel et nous rappelle un peu les trisomiques, avec sa mémoire photographique et son obsession du respect réglementaire, son esprit d'analyse clinique sans être critique, comme un jeune autiste.
Paradoxalement, en tenant à faire adorablement ce qu'il est de bon ton de faire, l'ado fera preuve de plus d'empathie que des adultes du centre qui en reviennent un peu, soit dans l'auto-préservation ou un peu blasés.
Le roman est agréable, spirituel.
La plupart des romans ados sur la sénilité aborderont surtout la dimension de l'absence progressive, nous prenons par les sentiments.
La perspective de parler des hôpitaux de ce genre serait forcément plus triste.
Et bien pas avec ce roman.
Pas de pathos, juste de la délicatesse.
Ici, ça sera aussi un regard porté sur les services d'aides à cette catégorie de malades.
C'est très intéressant et cela se lit bien.
Les personnages sont pour la plupart assez touchants.




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