GAUTIER LANGUEREAU
1973
9782217241001
A PARTIR DE 12 ANS
: Un livre de littérature jeunesse remisé dans certaines réserves des établissements de prêts, une "antiquité" d'un épisode épique de l'Histoire de France qui trouvera ses limites avec le temps, l'ouverture culturelle et la laïcité de la nation française. Quelle serait la nouvelle portée de cette histoire ?
"Jeanne d'Arc". Un récit légendaire et emblématique de la puissance du pays français victorieux face à l'ennemi.
Et à lire, on semblait partir de très loin.
A travers le destin un peu ingrat de Jeanne (la fervente croyante un peu seule dans son équipe des "fidèles fan de Dieu", placée tout au-devant des troupes de la France rebelle avec une armure étincelante pour recevoir les coups et jouer les béliers), c'était le récit d'une nation perdue dans le compromis et finalement retrouvée, rassemblée grâce à l'entrée sur le terrain d'un nouveau joueur fabuleux et invincible : une jeune fille avec une coupe de cheveux coupée au bol.
Elle affirmera que dieu lui aura prédit la victoire si elle s'engageait sur le terrain avec les soldats, même en ayant jamais guerroyer de sa vie et que c'était maintenant que cela se jouait (et qu'il faudra ne pas oublier la construction de ses églises un peu partout le jour venu).
Peut-on supposer que le Dauphin aura saisi la balle au rebond et su investir sur le bon cheval ?
Rien n'est moins sûr en lisant le récit. Cela sentait le désespoir en choisissant ce seul recours : suivre une bergère mineure qui dit parler à Dieu.
Le texte de Boutet de Monvel y mettra les formes, pour la raison synthétique de la chronique, nous prendrons pour vous les raccourcis.
Pour la défense du Dauphin sans recours : c'était la guerre, dur match France/Angleterre !
Y avait t-il un chevalier plus puissant que les autres pour sauver l'honneur de la France et ses quelques valeurs en péril?
On ne pouvait attendre vraiment qu'une intervention miraculeuse pour défaire une époque médiévale de troubles, de chaos politiques et de désunions religieuses, où rien n'allait.
On ne nous l'expliquera pas dans ses termes mais pour faire court, c'était un peu "Game of thrones".
Même en s'agrippant férocement à ses campagnes, le sort des duchés et des baronnies du Sud semblait bientôt condamné à basculer dans le côté sombre de l'Angleterre.
Résumé de l'épisode: Charles VI, roi de France, perdra la couronne de France au profit du jeune roi d'Angleterre, Henri. Il la recevra en traité de paix avec la main de la princesse : "Main de princesse- joli domaine de France en prime - Affaire à saisir !".
Les derniers partisans de Charles VI soutiendront malgré tout le fils déshérité de fait, l'héritier garant de leurs privilèges royaux, comme seul légitime PDG: Charles junior. N'est ce pas cela que l'on appelle une "Fronde"?
A la mort d'Henri senior, c'est Henri junior qui décrochera le poste par héritage, (le neveu de Charles junior élevé comme un anglais, vous suivez ?).
Les vieux partisans continuèrent de résister dans le sud de la France, déterminés à ne pas manger du pudding tous les matins. Comment renverser la vapeur quand tout semblera perdu ?
Ding dong ! Bonjour, je m'appelle Jeanne, je suis bergère et dieu là-haut a peut-être une solution pour vous, puis je entrer pour en discuter ? Je n'ai pas de livres à vous vendre, je ne sais pas lire...mais attendez ?!? Vous n'êtes pas le vrai roi !!! (C'est dieu qui vient de me le souffler)
C'est un épisode bien connu de la légende où le dauphin mit Jeanne à l'épreuve pour, au début, se moquer de son prétendu poste d'ambassadrice principale du très-Haut.
Après avoir été diverti par d'impressionnants tous de passe-passe tandis que la cour souffrait de dépression et d'impasses, le dauphin semblait n'avoir rien à perdre, il était même disposé à tout miser sur le même numéro et faire sauter la banque, comme l'on dit.
Alors, suivons la jeune "pucelle" ! Et puis donner lui une épée et une armure tout de même !
C'est encore un "banco" sur les champs de bataille, Jeanne affirmant à forte voix à tous ses hommes que Dieu est de son côté, qu'il guide sa main armée d'une épée. Grâce à elle et son obsession divine, le dauphin put contre toutes attentes remonter sur le trône de France.
La victoire se savourera sur fond de trahisons.
Comment diriger seul le royaume avec la jeune Jeanne qui lui dira tout savoir de ses manquements au contrat divin, grâce à l'oeil de Dieu pointé dans sa direction ?
Elle l'humiliera sans doute un peu en public : il est roi, elle est bergère et elle ordonne avec forte voix au roi de France.
On le devinera, pour se faire respecter et redéfinir qui est le vrai "patron", il lui sommera de faire profil bas sur ses prétentions politiques et de se soumettre à tête reposée dans un cachot de prison.
Hélas, ne démontrant aucun signe de docilité mais au contraire encore plus de fermeté quant à la vraie vision du divin, Jeanne condamnera son alliance avec le dauphin, qui décidera qu'il ne devait y avoir pour conserver la confiance de l'aristocratie qu'un porte-parole divin et que ça serait lui (ou bien quelqu'un dont ça serait la profession à la rigueur).
L'histoire vue du point de vue de Jeanne représentera le miracle de la foi officielle, tandis qu'à ce moment la religion catholique luttait pour la suprématie face à la religion anglicane en France.
Du point de vue royale et de la cour, ce fut surtout une grande victoire stratégique et politique, sans concessions face aux propositions de compromis (on s'applaudit et on se félicite) et c'est aussi ce que l'on retiendra. Que pouvaient-ils choisir en guise de morale de cette histoire ? Que l'équipe de Dieu venât de gagner sa guerre ou bien que ce fut Dieu qui accepta de se rallier au très haut Dauphin ?
On ne se le cachera pas, cette version du texte du mythe de Jeanne perdra de sa superbe et donnera selon le regard d'aujourd'hui dans la communication soit intégriste soit trop patriote.
Se battre pour l'intégrité culturelle du pays et éviter d'être influencé par une autre culture : un message du livre daté pour l'idéologie républicaine française et qui peut être perçu comme un peu trop clivant aujourd'hui et peu ouvert aux métissages des croyances. Les illustrations de M. Boutet de Monvel seront vraiment fabuleuses et cela vaudra de le découvrir pour ça mais le discours un peu trop porté sur la Droite la plus extrême : l'identité/la foi, tout ça.
Cet album richement illustré attendra que l'on vienne le chercher dans sa réserve, il suffira de le demander.
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LOUIS-MAURICE BOUTET DE MONVEL
AUTEUR
ILLUSTRATEUR
https://www.babelio.com/auteur/Louis-Maurice-Boutet-de-Monvel/181511
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