FILLES UNIQUES/ ANNE LOYER






SLALOM

2021

9782375542576
A PARTIR DE 15 ANS







: Les jeunes personnages d'Anne Loyer sont courageux pour leur jeune âge et sans doute aussi d'une mentalité plus moderne que leurs parents, on le concèdera. 
Certains ne suivront pas la voie tracée et devront prendre le risque de s'opposer aux parents chéris mais aussi à toute une culture partagée par le monde.
C'est une grande épreuve psychologique.

Dans " Celle que je suis" chez le même éditeur, Anne Loyer mettait déja tout ceci en avant .

C'était plein de tact et intéressant. Nous étions en Inde avec une autre héroïne.
Nous pouvions déja nous questionner sur les contextes des brouilles familiales: décidons-nous vraiment de notre destin et en avons-nous le droit ? 
Une grande question pour un ado qui doit commencer à envisager l'avenir, sur le plan des études et plus encore.
Lorsque l'héroïne de " Celle que je suis" dut à la fin de ses études au lycée se soumettre à la volonté de la culture du pays, puis à la volonté du père et un peu de la mère (comme elle cédait à l'avis majoritaire), contrariant ainsi ses rêves d'avenir, il était forcément difficile d'en rester là.

L'école? 

C'était un jeu à jouer pour un temps, lui raconta t-on, histoire d'acquérir un peu de jugeotte et de conversation, mais à la majorité, la vie des communautés reprendrait leur droit et les personnages leur devoir.
Nous y discutions à bâtons presque rompues de libre-arbitre féminin, de carrière professionnelle et de mariage forcé.
Cette intrigue dégagea également une disparité entre le sort des filles et celui des garçons.
Tandis que nos jeunes héros grandissaient ensemble, égaux, presque insouciants, la société des grandes personnes finira par leur avouer une drôle de vérité : filles et garçons ne sont pas égaux et c'est ainsi.
On imagine bien ces héroïnes ayant bien du mal à régresser, parce que c'est ainsi, tandis qu'on leur donnait année après année les moyens de subvenir à leur propre autonomie et liberté de penser.


Anne Loyer continuera avec "Filles uniques" de creuser la question de ce grand détournement d'une Culture, pourtant salvatrice, encore au présent et à l'internationale. 
Il y aura toujours en point de mire le futur des jeunes générations. N'oublions pas, dans la culture, il n'y aura pas que l'Art, on y comprendra aussi la politique.
Nous sommes cette fois en Chine avec " Filles uniques".

Certains le savent déja, la Chine s'est considérablement peuplée avec les siècles, pour développer de nombreuses dynasties et de clans rivaux depuis l'époque médiévale. Il n'était pas simple aussi d'obtenir un héritier mâle du premier coup pour faire vivre une lignée et un nom dans le temps.
Ceci eut de grandes conséquences sur le pays qui fut obligé d'adopter bien plus tard une politique démographique stricte afin d'enrayer les problèmes de surpopulation.

Pause, chers jeunes lecteurs, affinons donc un peu notre connaissance sur le sujet. 
Que dit Wiki?

Allo Wiki?

"... La politique de l'enfant unique, ou politique de planification des naissances (en chinois : 计划生育政策 / 計劃生育政策, jìhuà shēngyù zhèngcè, « politique de planification des naissances ») est la politique publique de contrôle des naissances mise en œuvre par la république populaire de Chine de 1979 à 2015.

Destinée à éviter la surpopulation du pays, elle se manifeste essentiellement par la pénalisation des parents de plus d'un enfant, mais aussi par la réalisation d'avortements et de stérilisations par la force.
Assouplie pour les familles paysannes dans les années 1980, elle introduit en 2013 une nouvelle exception pour les couples dont l'un des membres est lui-même un enfant unique, puis est remplacée en 2015 par une politique fixant le nombre maximal d'enfants à deux par famille..."

Merci Wiki.


Terrible, non?
Surréaliste, tandis que la majorité des familles ici, en France et dans le reste du monde, peuvent encore décider de procréer en fonction du simple désir d'enfants, suivant leurs moyens ( ou pas parfois), sans penser aux conséquences logistiques. 
Imaginez-vous pénalisé pour être tombé enceinte, jeunes filles? Nous ne connaissons pas dans ce cas les politiques de contrôle des naissances et si il n'est pas sévèrement réprouvé de parler d'avortement en Chine.

Concernant ce détail, nous ne parlerons pas d'interruption de grossesse mais d'infanticide.
La Chine tirera un lourd boulet historique au pied avec ces affaires de naissance, il faut bien l'avouer, avec un ancien passé sociétal redoutable où certaines familles trop modestes se débarrassaient des filles à la naissance sans trop de scrupules, comme un problème de petits chatons en trop. La volonté d'avoir un héritier mâle était la plus forte.

Que nous dit encore Wiki?

"... Chez les inuits du Nord de l'Alaska et du Canada, la pratique de l'infanticide des filles était un phénomène fréquent...

... Dans l'Arabie du septième siècle, avant l'établissement de la culture islamique, l'infanticide des filles était largement pratiqué. Certains chercheurs l'expliquent par le fait que les femmes étaient considérées comme un « bien » au sein de ces sociétés. D'autres ont émis l'hypothèse que, pour prévenir leurs filles de vivre une vie misérable, les mères tuaient leurs filles..."

"... La chine a une histoire de l'infanticide des filles s'étendant sur 2 000 ans9. Les missionnaires chrétiens qui y arrivèrent à la fin du xvie siècle découvrirent que l'infanticide des filles y était pratiquée, des nouveau-nés ont été observés jetés dans les rivières ou sur des tas d'ordures..."

Merci WIKI.


C'était une charge coûteuse, une fille, considérait-on en Chine, puisque, suivant la tradition, elles devaient au final finir dans la famille d'un autre et s'occuper de leurs beaux-parents ( l'épouse vivait avec la famille de son époux et sa famille versait en cadeau une dot, qu'il n'avait pas forcément dans leur finance). 
On imagine alors très bien les familles priant pour un garçon afin de perpétuer le nom et ramener une bru pour leurs vieux jours.


"Filles uniques" reviendra un peu là-dessus puisque Xia, l'amie de notre héroïne Xinxin, 15 ans, lui apprendra au début du roman, à la fois désespérée et en colère, que ses parents tenteront l'impossible pour avoir un garçon puisque l'État le leur permettait enfin. 
C'était un coup au coeur, la jeune fille qui faisait des pieds et des mains pour impressionner ses parents sur ses résultats scolaires se sentira rabaissée.
N'est-ce pas juste une maladresse de leur part ? C'est amusant car Xia nous donnera en même l'impression d'une enfant trop gâtée.

Mais Xia n'est pas l'héroïne.
C'est Xinxin, bien moins riche, bien moins brillante aux études et plus patiente. Quelle avenir pour elle si elle n'a pas son bac chinois?
Elle est fortement soutenue par ses parents ( qui misent aussi sur un bon poste pour leur fille, pour assurer leurs vieux jours, on le lit. Attention, ça n'aura rien de cruel dans cette culture, c'est un angle de vue très différent du notre).
En tous cas, le titre l'affirme et il ne faudra pas l'oublier, les filles ne "comptent pas pour des prunes". Il faudra donc l'entendre à double sens, à savoir "tout sauf banales, elle sont aussi exceptionnelles".

L'intrigue de l'auteure sera originale, intelligent et sensible, s'orientant sur les envies nouvelles de Xinxin.
Xinxin ne voudra plus être unique, seule.
Elle se trouvera bouleversée par la nouvelle naissance chez Xia et à la différence de Xia qui la rejette, elle, aurait bien voulu se lier à un frère ou une soeur.
Les décisions d'état n'auront pas les mêmes retombées psychologiques sur tout le monde. Être fille unique n'a pas que des avantages, on le comprendra.
Est-ce pour échapper à la charge mentale de la vie de famille ou pour partager une complicité?
Ca sera à découvrir.
Xinxin est humble. Partager son espace avec toute sa famille peut être étouffant parfois. 
Xinxin vit avec ses parents et grands-parents paternels. Il faut sans contestes s'entendre pour offrir à tous un espace vivable agréable commun. La famille de Xinxin dut troquer sa maison pour un appartement dans des circonstances à découvrir par le lecteur


Anne Loyer ne diabolisera pas la notion de politique des familles ou de tradition car comme pour son roman précédent, malgré tout, la culture aura du bon, tout ce qui se prêtera à élever la société. 
L'auteure mettra le bel accent sur les liens forts entre les membres, une tendresse sincère, sur les us et coutumes qu'ils partagent et que nous ne connaissons pas, les expressions étranges qu'ils échangent, les plats favoris et exotiques qu'ils dégustent ensemble. Nous sommes aussi dans le goût du voyage, dans un bel échange avec les jeunes lecteurs. Tout ceci nous placera dans une immersion agréable, tendre, chantante et parfumée qui recontextualisera complètement les problèmes du livre. La culture est un bel outil d'expression, d'identité et de communication, il est surtout ce que l'on en fait, jeunes lecteurs.
Ce qui viendra corser et tendre les relations dans la famille, ce sont les règles de société instituée.
Nous sentirons bien une évolution du personnage principale qui sera en âge de questionner ses parents, d'entendre toutes les décisions adultes et sera dans la volonté de se replacer face à ses décisions. Il sera compliqué de se les approprier sans les comprendre.
La culture vue au travers de la famille de Xinxin nous fera penser à un matelas confortable sur un sommier sociétal au final un peu dur.
Xinxin commencera à ne plus en trouver le sommeil.


Ce romans ado est vraiment à découvrir et peut-être que les lecteurs ados tenteront de prendre de la hauteur pour s'y retrouver, après plusieurs romans ados du genre. Dans les romans ados existants, il y a beaucoup de belles histoires, de belles enfances et lorsque cela coince à l'adolescence comme on nous le raconte, c'est très souvent parti d'un conflit de générations.
Les ados se leurrent-ils par manque d'expérience et angélisme ou bien les adultes se sont-ils perdus en chemin avec l'âge de raison, en renonçant à leurs désirs profonds?
Tout ceci nous forcera à réfléchir, à poser des faits à plat, à considérer des contextes historiques, à faire preuve d'empathie avec nos héros, mais surtout à profiter.

On a aimé.



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ANNE LOYER

AUTEURE
https://www.babelio.com/auteur/Anne-Loyer/199109


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