BAYARD JEUNESSE
2024
97910
À PARTIR DE 12 ANS
: Quatrième tome et quatrième fille Nodès lâchée dans le Paris nouveau, si incertain et mouvementée.
Nous ne reviendrons plus sur le point de départ commun à toutes les filles de la famille Nodès: le Paris cassé et rebâti, le déménagement de nombreux artisans et ouvriers, le relogement contraint de la famille Nodès et le début des filles du bourrelier Nodès dans la vie active.
Chaque tome et chacune des filles nous permettront d'entrer dans les carrières féminines de l'époque: la maman est couturière, l'aînée Amélie travaillera comme vendeuse dans une chapellerie puis aux nouveaux grands magasins bourgeois à bons prix, Marthe la cadette poussera la chansonnette dans le cabaret de sa tante après avoir usé ses mains, ses reins, à la blanchisserie, Joséphine aura trouvé une place de fleuriste.
Et Suzanne, l'autre des jumelles (dont on sait maintenant qu'elles ne le sont pas et Suzanne l'aura découvert dans le tome 3) ?
Quelle sera son inspiration?
On va donner envie de le lire!
Suzanne veut devenir institutrice et poursuivre ses études.
Les deux auteures raconteront avec tendresse et fraîcheur la pugnacité de ce petit de femme qui aime lire, découvrir et apprendre.
Marthe lui dira qu'elle compensera sans doute, elle qui boite, presque persuadée que cet handicap est un repousse-mari.
La jeune Suzanne veut aller au delà des études que l'on quitte à ses douze ans et savoir de quel bois elle sera faite quitte à vivre peut-être seule.
Déja, hélas, la société, son père, d'autres filles plus bourgeoises de sa nouvelle école de l'Insitut Sainte-Blandine, lui diront où est sa place.
"Une femme n'a pas besoin d'en savoir autant que son mari pour tenir sa maison et élever leurs enfants...", puisqu'elle doit être d'accord avec le "capitaine" de la maison, c'est Monsieur Nodès qui le dit et c'est ainsi que marche le monde, l'homme devant et son épouse à sa suite ou à côté, à son bras si elle sait rester aimable et se taire.
Bigre!
Dieu merci, d'autres forces en auront décidé autrement et c'est sans doute pour cela que ces puissances supérieures ne lui auront envoyées que des filles, pour lui refaire son éducation, pensera t-on en souriant.
Girls Power et toutes solidaires.
Ce sont entre autres les soeurs de Suzanne qui paieront une partie des frais scolaires le temps qu'elle décroche une bourse d'étude. Le médecin de famille aura dû convaincre le père que Suzanne avait une tête bien faite et bien pleine, qu'elle était capable.
Suzanne présentera l'exemple d'une fille d'ouvrier tentant sa chance à une époque où les grandes études étaient un peu l'espace réservées aux familles plus aisées qui auront de plus grandes situations.
Quel drôle d'époque, pas vrai pour une femme?
L'idée pour une femme de modeste condition était simple et affreusement pragmatique.
Puisque tu n'auras pas beaucoup d'argent, puisque tu n'auras pas ton propre argent si tu te maries, puisque tu ne voyageras que rarement, puisque tu resteras à la maison à la tenir et à entretenir vos enfants, pourquoi t'encombrer la tête de rêves et d'idées qui ne te mèneront qu'à te la compliquer en faisant de grandes études.
Tu feras fuir les promis, ma fille.
La série continuera d'être intéressante et riche d'enseignement pour les jeunes lecteurs, en brossant des portraits qui nous donneront une idée d'où les femmes sont partis avant d'acquérir l'indépendance et le libre-arbitre.
Qu'élever une famille est merveilleux, quand on existe en son sein d'un statut égal et indépendant! Le choix et une complicité du couple changeront sans nul doute la donne. Il ne suffira pas de se convaincre qu'une épouse est heureuse parce qu'elle ne contredit jamais.
Nous retrouverons ici des faits historiques abordés aussi dans un autre roman jeunesse sorti à la même période "Léo et les orphelins" de Tibault Bérard.
Même époque de la IIIème République.
On y reparle des nouvelles idées sociales véhiculés par un certain Émile Zola dans ses romans, prélude d'un soulèvement qui couve, et du scandale du roman d'"Emma Bovary" de Flaubert.
"...Un outrage aux bonnes mœurs.
En effet, Madame Bovary, le roman dont il a entrepris la rédaction en 1851 et qu'il se prépare à faire paraître, est accusé par le procureur impérial Ernest Pinard de représenter une femme de mauvaise vie dont l'adultère n'est jamais condamné par l'auteur..."
https://shs.cairn.info/ma-dose-quotidienne-de-litterature-francaise--9782200633677-page-32?lang=fr
Ce qui finira d'éclairer sur la place des femmes mais aussi sur la place de la fiction littéraire à cette époque, pouvant être condamnée au même titre qu'un vrai crime commis si les idées dérogent à la bonne morale de l'époque, encadrée aussi pénalement.
Il faudra attendre plusieurs siècles avant que certaines idées reçues sortent du cadre de l'hérésie parce que non partagées par la majorité populaire.
Intéressant, non?
Ce quatrième tome continuera de bien se savourer, ajoutant du piquant et du mérite aux efforts de Suzanne pour atteindre son but avec des pestes, des camarades de classe bourgeoise qui vont la harceler parce qu'elle est fille d'ouvrier et qu'elle veut s'instruire.
Il ne sera pas dit donc qu'il n'est pas possible de changer une société injuste, avec de l'aide et des efforts individuelles.
On le sait aujourd'hui, revenu de cette époques avec des acquis féminins importants, que les certitudes peuvent être remises à plat, les égos mal placés rangés dans la poche, parce qu'on ne peut pas isser une société vers le haut et développer un esprit éclairé avec du "qu'en dira t-on chez le voisin", n'est ce pas Suzanne?
VOIR AUSSI:
Paris haussmannien - La transformation d'une ville
VOIR AUSSI
LE MARIAGE AU 19ÈME S, NOTARIÉ ET APPROUVÉ PAR LES PARENTS:
https://archives.lot.fr/a/572/le-mariage-au-xixe-siecle-les-actes-respectueux-/#:~:text=Au%20XIXe%20si%C3%A8cle%2C%20la%20majorit%C3%A9,peuvent%20contracter%20mariage%20sans%20le
"Au XIXe siècle, la majorité matrimoniale est de 25 ans pour un homme et de 21 ans pour une femme selon l’article 148 du code civil napoléonien (1804) : « Le fils qui n’a pas atteint l’âge de vingt-cinq ans accomplis, la fille qui n’a pas atteint l’âge de vint-et-un ans accomplis, ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment, le consentement du père suffit ».
Mais même plus âgés, les jeunes gens qui désirent se marier doivent notifier aux parents le projet par un acte notarié : « acte respectueux » ou « acte de respect ». En cas de refus, la demande doit être renouvelée deux fois. A l’issue de cette procédure légale, même à défaut de consentement, le mariage peut être célébré un mois après la dernière notification.
Si le garçon a plus de 30 ans, ou la fille plus de 25 ans, un seul acte respectueux suffit..."
VOIR ÉGALEMENT
LA FEMME EN FRANCE AU 19ÈME S:
"... Autres questions
Quelle est la condition des femmes au 19e siècle en France ?
Sur le plan juridique, les femmes sont aussi très largement discriminées : Elles sont placées sous l'autorité de leur père ou de leur mari par le Code civil de Napoléon. Elles ne peuvent détenir de comptes d'épargne avant 1881 et ne peuvent retirer de l'argent sans l'autorisation de leur mari avant 1910..."
https://www.kartable.fr/ressources/histoire/cours/la-place-de-la-femme-en-france-au-xixe-siecle/39233
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ANNE-MARIE DESPLAT-DUC
AUTEURE
Anne-Marie Desplat-Duc (ricochet-jeunes.org)
ET
SOPHIE NOËL
AUTEURE
Sophie Noël (auteur de Les pointes noires) - Babelio
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CE QU'ILS EN DISENT?
https://www.babelio.com/livres/Desplat-Duc-Les-gamines-de-Paris--Suzanne/1648951
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