DANS LA FORÊT D' HOKKAÏDO/ ÉRIC PESSAN

ÉCOLE DES LOISIRS

MÉDIUM +

2017

9782211233668

À PARTIR DE 16 ANS

: Le début du roman est astucieux.

Nous replaçant directement dans la plus efficace des simulations virtuelles.

Le cauchemar.

Il connectera son premier personnage Julie à des émotions et des sensations, un effet inconnu de la réalité virtuelle.

L'émotion sera ici forte, il est donc pour l'héroïne difficile de la nier au réveil, de passer outre sans s'interroger.

C'est l'histoire d'un petit garçon terrible et insupportable.

" Je sais qu'ils viennent de m'abandonner.

Je sais qu'ils ont décidé de me laisser là, au bord de la route, comme un chien dont on se débarrasse avant de partir en vacances...

J'ai dans mon ventre un inextricable noeud de colère, de terreur et de chagrin, d'émotions contradictoires qui s'entortillent et se tordent comme des serpents...".

Nous sommes automatiquement intrigués, nous savons bien que nos songes sont un mélange de désirs, d'expression de nos inquiétudes, à venir ou passé.

Mais ce que vient d'expérimenter notre héroïne de 15 ans n'est en rien le résultat d'un vécu ou la formulation métaphorique d'une projection personnelle.

Elle ne connait pas ce garçon, ni ne se projette dans la situation de ce personnage qui vient d'être laissé sur le bord de route par sa famille.

Ces sentiments-là ne lui appartiennent pas.

Le début est, oui, prenant, très accrocheur et l'on voudra savoir si nous glisserons finalement avec l'auteur Éric Pessan dans un genre fantastique.

Peut-être que le personnage de Julie n'a en définitive que trop d'imagination et que sa créativité lui jouera des tours en juste retour?

"... Jamais un rêve n'a été aussi réel, jamais les branches n'ont comporté autant de feuilles, jamais les nuances de vert n'ont été aussi nombreuses, jamais la fraîcheur n'a été aussi mordante...".

Soir après soir, Julie et le petit garçon établiront une passerelle entre l'espace et le rêve, entre la France et l'île d'Hokkaido et Julie acceptera d'être la nuit dans la peau de quelqu'un d'autre afin de peut-être lui venir en aide si tout cela s'avère "réel".

Ils deviendront " Nous", sans communiquer, l'un profitant de l'intrusion imposée de l'autre.

C'est intéressant et bien décrit, ce passage à un corps étranger et ce transfert des sensations, des souvenirs, dans un seul sens.

Nous serons "Julie" finalement, l'"espion" adoptant l'itinéraire du garçon japonais par ses yeux et ses émotions.

Julie sera attentive aux indices qui puissent préciser la situation, définir si cette scène existe belle et bien à l'autre bout du monde, tentant tant bien que mal d'influencer les décisions du petit japonais de son expérience d'ado.

Même en milieu de roman, le garçonnet ne s'est toujours pas trouvé face à une vitre ou un miroir, ne permettant pas ainsi de l'identifier.

L'auteur ménage parfaitement bien son intrigue.

Et nous, pensons à ce personnage, Julie.

Pourquoi elle?

Et les choses semblent trop incroyables pour y croire et pourtant.

Julie a un don, elle retrouve les choses perdues.

C'est mystérieux et captivant.

Nous raisonnons pendant la lecture et nous réalisons qu'en fait il existe 9 heures de décalage horaire entre la France et le Japon. Ce qui place le garçon à 8h au matin lorsque Julie se couche à 21h.

C'est un détail qui peut nous interloquer car l'auteur offre une autre logique temporelle qui synchronise les deux personnages sur 7 heures de décalage.

Comme si l'auteur avait changé d'avis sur sa scène de départ et l'avait déplacé vers la France.

Mais cela ne nous empêchera pas d'avancer et ne changera en rien la situation, Julie ne sera disponible qu'une partie du matin et abandonnera malgré elle le garçon à son sort lorsque tombera la nuit de son côté.

Elle seule aura pitié.

On découvre donc à chaque rêve de Julie comment il s'est débrouillé comme un grand pour s'abriter.

Un roman court, étonnant, n'usant pas à outrance de la corde sensible et tenant son lectorat efficacement jusqu'à la dernière page.

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ÉRIC PESSAN