D'OR ET D'OREILLERS/ FLORE VESCO ET MAYALEN GOUST

RUE DE SÈVRES

2024

9782810205912

À PARTIR DE 16 ANS

: Ô joie! Une version BD de l'exquis roman conte pour ados " D'or et d'oreillers" de Fore Vesco et sublimé ici des images de Mayalen Goust.

Le texte est toujours plein d'esprit, adapté par Mayalen pour en faire cette version éblouissante.

" - J'espère qu'il est riche !
- J'espère qu'il est beau !

- J'espère qu'il est gentil ...
- Ce Lord peut se permettre d'être odieux, bossu, velu ou de sentir mauvais ...Croyez-moi toutes les jeunes filles de la région se précipiteront pour l'épouser avec sa rente de quatre-vingt mille livres ...

- Quatre-vingt ...!!
- ...Mille ...

- Liiivres ! "
Cette seule partie introduira parfaitement le ton et le sujet du livre. La vie de princesse!

L'histoire nous balancera au visage la réalité crûe comme un tas de linge sale à re-nettoyer. Non, la vraie vie de princesse ne peut être rêvée puisque :
- les mariages de princes et princesses sont des accords de convenance

- les princesses n'ont pas d'indépendance financière donc ne peuvent que rechercher un prince bien dotée qui leur offrira le même confort matériel
- dans le pire des cas, les gens tombent amoureux par hasard et c'est dans ce sort curieux, à défaut de supporter par devoirs réciproques, que l'on peut imaginer une vraie fin heureuse de conte de fée.

L'univers de la "Princesse au petit pois" sera transposé plusieurs siècles plus tard, à une époque plus moderne bourgeoise, celle des fortunes avec des titres. Notre prince est un fils de Duc, un Lord.

Nous rirons un peu de ce caractère intéressé des mères et des filles qui devront jouer des coudes pour approcher le beau parti et s'assurer autant une belle retraite qu'un avenir sûr d'épouse. Le courage d'être femme à cette époque était celui-là.

L'histoire et le nouveau coq venu dans la "basse-cour" ramèneront aussi à une autre réalité : l'obligation de partager le même lit pour un minimum de devoir conjugal quelques jours dans la semaine (les enfants ne naissent pas dans les choux) et le lord choisira sa nouvelle épouse si elle est autorisée à passer une nuit dans son château et qu'elle survive à l'expérience.

On s'imaginera avec force de rouge aux joues le meilleur ou le pire qui pourrait ternir une réputation de demoiselle libre sur le marché.

C'est forcément amusant. Car le véritable amour se partage également par des échanges physiques consenties.

Qui donc osera aller chercher sa fortune en y laissant sa réputation dévorée par les morsures de la rumeur affamée?

Sadima, servante à la langue bien pendue, sera autorisée au final à aller tenter sa chance après de nombreuses déconvenues de demoiselles.

On devine qu'elle ne cherchera pas que fortune mais aussi à satisfaire sa curiosité, affronter le loup et peut-être venger l'honneur des femmes bafouées.

Le lieu cachera un mystère plus redoutable qu'attendue, une malédiction, nous en avions déja parlé avec la sortie du roman à l'époque.

Les illustrations de Mayalen Goust subliment le récit de Flore Vesco déja très généreux pour l'imagination.

L'interprétation graphique de la maison ample dans laquelle les cases nous donneront l'air de nous enfoncer et de nous perdre comme avalée est excellente. Des indices anatomiques se glisseront dans les éléments de décor révélant une part du mystère et il faudra attendre.

Le style Art Nouveau colorée de bleu de ciel d'orage et de rouge sanguin est un ravissement nous posant le doute entre la crainte et l'émerveillement.

Quelle tentation!

Le lord est presque sympathique mais le logis n'est pas si accueillant voire curieusement intrusif la nuit, prenant les commandes de ses sens pour dérouter et l'humilier. Voici donc là la bonne fille qui se prétend une délicate princesse qui ne connait pas encore le loup? Cette part d'érotisme à chaque sommeil, avec Sadima se tordant, sans chemise de nuit prévue pour l'occasion, et dormant entièrement nue, nous rappellera des nues de Toulouse Lautrec. Le doute s'épaissira et Mayalen Goust forcera la gêne avec un personnage aussi tourmentée que délicieusement troublée par cette découverte du rêve érotique.

Ce n'est pas consentie et Il se passe des choses et ce n'est pas de son fait. Et ni du fait du prince. Quelque chose de très intrusif souhaitera la mettre plus que mal à l'aise avec ses manières pour que cette servante tourne les talons vers ses employeures.

C'est mal la connaitre.
C'est un vrai coup de coeur supplémentaire, en plus du roman ado que nous avions adoré et les quelques scènes de jolis nus le réserveront à un public de grands ados.