GALLIMARD JEUNESSE
2016
9782070599806
À PARTIR DE 16 ANS
: Imaginez que dans une autre réalité que la notre, Paris fut rebaptisé Larispem.
Imaginons également que durant l'épisode historique de la Commune les révolutionnaires aient chassé les nobles, donné le pouvoir aux classes populaires et que Larispem soit devenue une cité-état presque prospère, indépendante du reste de notre France.
Cela donnerait cette idée d'ukronie imaginée par Lucie Pierrat-Pajot où les références fondamentales historiques se mêlent.
S'inspirant du célèbre roman tout aussi populaire, "Les mystères de Paris", critique sociale du XIX ème siècle pointant du doigt la misère du petit peuple au travers de la fiction de Eugène Sue,
Lucie offre une perspective à contre-pied, tente de percevoir un idéal révolutionnaire atteint,
d'y constater les précepts de liberté, d'égalité et de fraternité en application.
À quoi ressemble le nouveau paradis de Larispem?
La cité est dirigée par une présidente, une femme du peuple, l'une des trois illustres figures de tête.
Les bouchers "les Louchebem" sont la classe honorable,
la ville trouve de quoi subvenir aux besoins de ses citoyens grâce aux idées techniques "révolutionnaires" de Jules Verne, prôche de la présidente.
Les "Taureaux" sont la nouvelle monnaie et l'argo boucher se glisse dans toutes les bouches (on peut peiner un peu au début et puis, comme tous langages, on s'y fait. Un changement de première lettre par ci pour les mots, un lot de suffixe redondant aux mots familiers, Paris= (L) aris (pem) ).
Les inspirations rétro et modernes steampunk se mêlent aussi pour cette renaissance,
les fiacres et engins à vapeurs se disputent les circulations des rues, les citoyens circulent aussi par les airs par transports en commun avec les aérostats, les moulures sculptées d'animaux et les surfaces cuivrées lustrées embrassent et couronnent chaque contours du paysage.
La justice sociale est-elle rétablie pour autant?
C'est ici qu'interviennent les héroïnes Carmine, belle noire "Louchebem (= (L) ouche (bem)/ Boucher"), et son amie technicienne, la jolie, ronde et pilleuse de lieux abandonnés, Liberté.
L'emploi semble néanmoins manquer dans cette réalité ci aussi, ou peu varié à la lecture, assujetti aux strictes besoins de cette micro société et Liberté peine à ne pas vivre autrement que de ses astuces de débrouille avant d'occuper un véritable emploi de technicienne.
La question d'une justice sociale égalitaire pour les citoyens certe est posée mais également le paradoxe d'une diversité sociétale centrée sur une classe oligarchique également.
Les lecteurs découvrent de quelles façons l'égalité s'appliquent au sein de cette réorganisation de personnages de même extraction
Les métiers viriles se féminisent et les femmes se montrent l'égal des hommes ici dans la posture du métier et des attitudes à la forte gouaille.
Avec Liberté va commencer l'autre aventure, l'intrigue, elle sera témoin d'un message publicitaire trafiqué via les hauts-parleurs extérieurs, lors de l'une de ses "récupérations" de bricoles à vendre sur un message étrange voire inquiétant.
"Le sang jamais n'oublie jamais", criaient insolemment les Voxomatons.
Les "sangs bleus" boutés hors de Larispem semblent sur le point, peut-être, de préparer un coup d'état et vouloir reprendre leur revanche.
Les affrontements passés sur les barricades furent violents, Larispem sera t-elle prête pour de nouveau en découdre?
Les aristocrates sont un peu posés comme les grands maléfiques et de plus se glisse une dimension fantastique à la série SF, où l'ancienne classe dominante usera de sorcellerie pour préparer son retour.
Heureusement Nathanaël offrira une approche moins caricaturale et donnera le pendant tandis que Liberté occupera le monde prolétaire.
Une histoire aux destins croisés proposés.
Probablement Liberté croisera t-elle la route de Nathanaël, coincé dans un orphelinat et dont les résultats scolaires moyens ne sauraient le destiner au prestige.
Dans des circonstances que les lecteurs découvriront, Nathaniel forcera sa chance et se destinera contre l'avis de ses professeurs "boucher".
Il souhaitera faire le pied de nez aux jugements des professeurs et prouver sa valeur même si ce n'était pas son objectif convoité.
Un probable virus commencera à terrasser quelques membres de l'orphelinat, Nathanaël craint d'en être aussi victime.
Le nez des victimes s'écoule et l'on ne peut s'empêcher de penser à un axe sournois de vengeance plus que symbolique du "sang qui jamais n'oublie".
La signification est toute différente, le maux supposé sera en réalité la marque du pouvoir, le sceau d'une bourgeoisie oubliée et qui refait surface pour frapper, magiquement.
Liberté commence à souffrir également de saignements du nez...
Voici qui n'augure rien de bon pour les personnages et tout le contraire pour les lecteurs qui devraient se régaler de cette série qui remporta la Deuxième Edition du Concours du Premier Roman Jeunesse Gallimard Jeunesse pour ne citer que ce sponsor.
Les descriptions sont précises, les images bien vues, la force populiste choisie par l'auteure est bien restituée dans la présence des personnages et le fond de décor, le fantastique se fond parfaitement bien.
Une alternative historique intéressante.
A découvrir.
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LUCIE PIERRAT-PAJOT
AUTEURE
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CE QU'ILS EN DISENT?


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