LE CHÂTEAU DES ANIMAUX, T.1: MISS BENGALORE/ XAVIER DORISON ET ILLUSTRE PAR FELIX DELEP

CASTERMAN

2019

9782203148888

A PARTIR DE 15 ANS

: Même si au premier abord, l'engloutissement jusqu'à la glotte de scénari dystopiques, pourtant toujours très appréciés sur le marché de la littérature ado, pourrait finir par nous lasser un petit peu, les auteurs réussiront ici à marquer impeccablement l'essai.

Nous fermerons la BD émus, ravis du match que nous viendrons de suivre.

Et ce n'est que la première mi-temps, si l'on peut dire.

Cette histoire des auteurs Félix Delep et Xavier Dorison est une formidable adaptation de la célèbre "Ferme des Animaux" de George Orwell (1945).

Pour reparler d'atteinte aux libertés individuelles et de systèmes tristement totalitaires, les auteurs gagnent en efficacité avec l'émotion et l'usage de personnages anthropomorphiques.

La distance permise par ces animaux, toujours à quatre pattes mais développant des sentiments très humains ou inhumains, est un bon moyen de capter le jeune lecteur sur un sujet sérieux et difficile, sans trop en souffrir.

Miss Bengalore, jeune maman de deux chatons, se montre une figure de résistance crédible et un exemple enthousiasmant.

Elle brille comme une étoile sur la ferme d'animaux qui perd espoir, leur remontre le Nord face à une troupe d'animaux brutaux et féroces.

C'est à ces héros ordinaires que les auteurs font la part belle dans cette adaptation, ceux qui détourneront la haine et opposeront à celle-ci d'autres armes plus nobles et moins auto-destructrices.

le préambule de Xavier Dorison ne laisse aucune équivoque là -dessus:

"...ce sont des hommes différents, des pays différents, et des situations différentes, mais il faudrait être aveugle pour ne pas voir ce qui les lie toutes: aucune de ces victoires n'a été obtenue par des armes, des appels à la haine, la colère ou la vengeance.

Pour leur cause, ces héros étaient prêts à mourir, pas à tuer...".

Ces phrases sont percutantes et nous préparent fortement à ce qui suivra.

L'histoire se passe dans une réalité assez proche de notre présent, dans une campagne où les humains ont déserté le domaine entier d'un château.

Un système de domination laissera place à un autre et les animaux plus forts prendront le pouvoir. Tous les autres animaux du château seront soumis à la rénovation du domaine de leur nouveau "maître".

Imaginez des chats ou des chèvres traînant derrière eux de lourds blocs de pierre, comme les hommes serviles le faisant pour leur pharaon à l'époque de l'Egypte Antique.

Nous apprécierons le Rat conteur qui saura allumer la mèche dans les consciences au travers de ses histoires faussement naïves.

L'humour sauvera la population.

Au point que Madame "B" Bengalore, la chatte veuve, décidera de se servir de la dérision comme d'une arme à l'aide de quelques complices motivés.

Le pouvoir dominant cache aussi à ses populations un odieux secret qui entretient le train de vie de "Président" le taureau et de sa garde de chiens de chasse impitoyables.

Tout est bien vu, alternant entre douceur, espièglerie et action.

L'esthétique des animaux nous rappelle un Robin des Bois de chez Walt Disney, avec une violence institutionnelle qui ne sera évidement à niveau que pour de grands ados.

Nous nous demandons comment ces animaux fragiles et fragilisés inverseront la vapeur un jour vers une nouvelle ère de liberté, tout en maintenant une société qui continuera d'entretenir chacun de ses membres.

Des personnages tels que la vieille oie Marguerite et Monsieur César, lièvre raffiné et gigolo, copie animale du personnage de Charlie Chaplin "Monsieur Verdoux", posent définitivement le sujet à un public mature.

Ce lièvre indécent et pourtant au grand coeur, dirions-nous, est terriblement irrésistible.

Verdict à la fin du livre: un grand coup de coeur.