PETER PAN/ JAMES MATTHEW BARRIE ET ILLUSTRÉ PAR QUENTIN GRÉBAN

MIJADE

2014

9782871428701

A PARTIR DE 8 ANS ET +

: L'auteur Timothée de Fombelle le faisait remarquer justement (invité au Salon du livre jeunesse de Montreuil 2022* pour discuter de l'oeuvre de Barrie qui lui aura inspiré un roman sur le retour à l'enfance et aux souvenirs): l'oeuvre de Peter Pan mérite qu'on l'a découvre par la vision de son auteur. (* Salon, dimanche 04 Décembre, 15h10, Scène d'en haut: accompagné du comédien Emmanuel Noblet et du journaliste julien bisson, "Grandissez": entretien autour de Peter Pan.).

Le cinéaste Walt Disney l'aura adapté à sa sauce, comme beaucoup d'oeuvres de la littérature enfantine pour les amener à plus large public et souvent, peut-être injustement et maladroitement, sa version restera notre référence des aventures du jeune Peter.

En lisant l'auteur Barrie sur cette version publiée par l'éditeur Mijade, nous noterons de nombreux détails amusants ou poétiques, nous mettant déja un petit pied à l'étrier pour trotter vers une forme première de magie qui sera tirée des liens familiaux.

Avec Peter, tout aura à voir avec la société dans lequel il aura grandi et l'éducation familiale. Nous parlerons déja de proximité, de complicité, d'écoute et de tendresse. Les membres d'une vraie famille sont proches.

L'auteur s'en amusera.

La façon dont le père Monsieur Darling comptera ses sous avant de valider la venue des trois bébés (qui était pourtant déja en route pour naitre).

N'est-ce point déraisonnable d'avoir des enfants quand on a pas assez de sous? Darling connait le monde des affaires, ceci réglé, la famille ne risquera pas la banque route.

Barrie nous fera sourire mais ne suggérant aucunement que les trois puissent finir dans un panier sur le pas de la porte.

Modeste, ne dérogeant pas à la mode mais n'ayant pas les mêmes moyens que ceux de leur quartier aisé, les Darling opteront aussi pour une nounou( mais un chien jugé qualifié).

La magie de l'aventure démarrera déja lorsque la maman en ronde de nuit veillant sur le sommeil de ses trois enfants, se trouvera capable de lire en eux et donc découvrira dans leurs têtes le souvenir de Peter fourré dans le fouillis de rêves des trois.

L'auteur octroie des pouvoirs exceptionnels et naturels aux enfants mais du coup aussi aux parents avec ce fameux monde magique de l'imaginaire.

Il n'y aura que le père, trop pris par ses affaires, qui ne sera plus doué pour entendre parler du pays imaginaire: c'est un adulte qui aura rompu fermement avec l'enfance.

Mais avec cela aura t-il aussi rompu avec les possibilités de communiquer avec ses propres enfants, qui eux, ne pourront se hisser à son niveau d'"adultes sérieux"? Monsieur Darling n'est ni dur, ni méchant, il est sérieux.

Ceux qui auront eu la chance d'écouter Timothée de Fombelle retomberont aussi sur cette amusante conclusion.

C'est un siècle, c'est une éducation, c'est un temps où les adultes doivent devenir sérieux pour tenir de grandes maisons et avoir les moyens de maisons bien tenus, faire des affaires et devenir des chefs de famille digne d'être montrés en exemple.

Pourtant, l'auteur le soulignera malicieusement, il y aura des bonnes pour le ménage et des nounous pour les enfants. Ceci libérera t-il un peu plus les parents pour leur rôle de parents éducateurs?

Ces adultes de l'univers des Darling sont-ils dans le vrai sens de la vie, nous interrogera un peu l'histoire de Barrie finalement?

C'est plutôt bien vu et tout ne sera pasperdu, l'enfant en Monsieur Darling ne sera pas mort, surtout lorsqu'il "fera l'enfant" et refusera comme les siens de boire la potion amère du soir.

Peter Pan puisera ses origines dans tout ceci, une espèce de non-sens de la vie d'adulte, il refusera un jour de grandir et de vivre cette affreuse vie d'adulte ennuyeuse en fuguant dans un pays déconnecté.

On se demande si en chacun des adultes bourgeois de l'époque anglaise il n'y avait pas un "Peter Pan" inavoué, abandonné de mauvaise grace, car rediscuter de la pertinence des exigences adultes en bonne société n'était pas de bon ton.

Peter, lui, fuira ses parents et la société d'adulte avant qu'il ne soit trop tard.

Est-ce lâche, irraisonnable, capricieux ou courageux, se demandera t-on?

Rester au Pays imaginaire toute la vie, comment cela se pourrait-il?

Qui souhaiterait être condamné à ne jamais grandir et à oublier ses parents?

Une maman, cela semble tendre et encore tentant.

C'est bien pour cela, rappelez-vous, que Peter invitera Wendy au Pays imaginaire, pour que les enfants perdus goûtent aussi à ce drôle de plaisir: la douceur chaude d'une maman.

On se rendra vraiment compte en lisant que le récit était bien pensé, autour de toutes ses questions d'époque familiales, des perspectives qui attendriront les enfants ( jouer, toujours, encore et encore) et feront réfléchir à la longue les adultes qui auront cédé un bout de leur coeur en oubliant l'enfant qu'ils ont été.

Les illustrations d'accompagnement de Quentin Gréban seront sublimes. On passe vraiment un bon moment et on ne perdra pas son temps à revenir aux sources de la légende de Peter Pan telles qu'elles avaient été imaginé pour les lecteurs.