REBIS/ IRENE MARCHESINI ET ILLUSTRÉ PAR CARLOTTA DICATALDO

LE LOMBARD

9782808210904

À PARTIR DE 12 ANS

: Les thèmes principaux: la bigoterie et la sorcellerie

Notre jeune héros Martino vit dans un petit village du Moyen-âge.

Garçon d'une grande fratrie, sa naissance ne sera pas couronnée sous les meilleures auspices.

Attention, sentiments forts et superstitions.

Le jour de sa naissance, il ressortira blanc comme la craie, tandis que plus loin dehors, deux sorcières seront exécutées sur un bûcher.

La situation en dira long, nous comprendrons que c'est une habitude culturelle et sanitaire régulière, rassurante, dans le secteur et très appréciée.

Les deux femmes grillées seront à l'égal des rats qui peuvent véhiculer la peste.

Les gens paraitront bons mais ceci ne voudra rien dire quand être bon reviendra à brûler des femmes vives dans la superstition.

La suite confirmera que les gens du village pourront sciemment se montrer cruels et sans pitié.

Martino restera stygmatisé pour son "charme" albinos par les adultes, les enfants et surtout le père qui s'en serait bien débarrassé dès le début pour ne pas se porter le mauvais oeil ou subir le qu'en dira t-on.

On nous présentera des parents, malgré une mère douce et aimante, sur qui l'opinion des voisins et de l'église pèsera plus lourd sur leurs épaules que le dur labeur.

De quoi indigner le lecteur quand sur les plaintes des voisins (mauvaises récoltes, profusion de chats noirs, lait qui tourne et multiplication des maraudages de renards dans le poulailler...), le père projettera de le confier à un autre foyer.

En avant, l'aventure commence!Fantastique amitié et résurrection au programme.

Malgré l'attention tendre de ses soeurs (mais pas du grand frère), Martino se sentira seul et se liera d'amitié avec une ermite vêtue comme une indienne sauvage.

C'est vers elle qu'il se tournera pour sa fugue vers les bois.

Elle s'appelle Viviana, comme l'une des femmes brûlées le jour de la naissance de Martino. Coïncidence?

La sorcellerie n'existe pas, n'est-ce pas?

Si elle pouvait survivre au bûcher, ceci serait inévitablement l'oeuvre du diable, non?

Nous, lecteurs, serions tentés de "dégaîner" un "Et alors?", devant la bonté plus noire des gens du village et celle plus lumineuse de Viviana la "suppôt du diable" (les auteurs ne seront pas manichéens dans leur BD ou démonstratifs, ne parlant jamais de Dieu ni de Satan, laissant les lecteurs se faire leur opinion autour de valeurs humaines) .

Les repères de bonne correction, d'ordre social, se brouilleront, la frontière du bien et du mal devenant un peu plus flou avec cette Viviana qui va l'élever sans rien demander en retour.

C'est une BD soit douce ou pleine de passion, mais d'une réflexion mûre qui s'adressera au moins à un public ado dominant les repères de la bienveillance et pouvant prendre de la hauteur sur les questions du genre.

Trouvant affection, éducation et protection auprès de Viviana, Martino la prendra pour modèle pour grandir. Après l'exemple fraternel et paternel qui l'auront toujours chatié, même si cela n'est pas explicité dans les dialogues, nous comprendrons que Martino ait envie de ressembler à celles qui lui auront toujours apporté assurance et joie: les filles et surtout les sorcières.

Renaîs, "Rebis"!

Viviana n'ayant pas d'héritiers ni d'enfants naturels, Martino souhaitera devenir comme elle à l'âge ado, une sorcière. Il faudra se choisir un nouveau nom d'initié et Viviana ne jugera pas son apprenti vêtu en fille.

C'est un récit surprenant et captivant, invitant à juger sur l'essentiel, ce qui fait qu'un humain est un humain.

Il ne sera pas question de propos de "non-binarité" comme dand l'air du temps, c'est autre chose qui jouera: l'exemple.

On ne s'attendra pas à aborder ainsi ce sujet, avec celui plus historique de la chasse aux sorcières moyenâgeuse.

Il se glissera en arrière-plan de l'aventure, respectant finalement les convictions morales et les règles quotidiennes spartiates de Viviana, ermite.

Il sera "il" mais s'habillera et empruntera les habitudes des filles.

La suite nous promettra des retrouvailles et des déchainements impitoyables, la famille plus âgée se divisant autour du sujet " Martino"...

Des illustrations aux graphismes et colorisations de toutes beautés qui nous auront attiré.

Le travail de Irène Marchesini et Carlotta Dicataldo fera penser à l'équipe italienne de Barbara Canepa et Alessandro Barbucci (Skydoll), mélange stylistique d'animés mangas et animations disney.
C'est à découvrir.