LA PASSE-MIROIR, T.4: LA TEMPÊTE DES ÉCHOS/ CHRISTELLE DABOS

GALLIMARD JEUNESSE

2019

97820750938866

À PARTIR DE 13 ANS

Dieu est une femme.

C'est culotté et il fallait y penser.

L'auteure Christelle Dabos sèmera de la confusion dans les origines de son monde imaginaire tandis qu'au contraire, arrivant au quatrième tome, le lecteur commencera pourtant à y voir nettement plus clair.

L'assiduité et la fidélité aux différents pavés de la série " La Passe-Miroir" commencera à payer.

Les peuples de cet univers à pouvoirs, ces figures patriarches ou matriarcales de familles ancestrales "nouveaux Adam et Eve", leur étrange amnésie des temps anciens, l'obscur événement de la " Déchirure" à cette date conté dans les archives, tout ceci prendra sens.

Également, la maladresse d'Ophélie depuis son accident de miroir étant jeune, sa sensation d'être contrôlé ou épié sur les trois tomes précédents, cela aussi s'éclaircira progressivement.

Depuis que les étranges époux Ophélie et Thorn ont commencé à enquêter sur l'être divin caché qui les a menacé de représailles si ils se mariaient, ils n'ont eu de cesse de pactiser des alliances secrètes pour connaître l'identité de cette entité. C'est presque le contenu d'une nouvelle boîte de Pandore qui s'abattra sur leurs croyances.

La vérité est déstabilisante.

Bien au dessus de leur chef de famille surpuissant, il y a eu une "mère".

Nous attendrons de l'auteure qu'elle nous dévoile enfin comment une simple humaine a pu aboutir aux sources du pouvoir de la création, une ressource puissante qui a provoqué la fin des premiers temps. Pourquoi préféra t-elle s'effacer de la mémoire de ces enfants, chefs de famille?

Pourquoi leurs descendants ne peuvent-ils pas s'unir et se mélanger? Qu'est-ce que cette règle incestueuse cacherait de plus inacceptable?

La fin du troisième tome nous laissera sur l'expectative: il n'y avait pas qu'une menace mais deux, l'invisible Dilleux et son propre reflet qui s'est dissocié d'elle-même.

Sommes-nous face à une représentation du bien rattrapant le mal, de la bonne conscience face à la corruption par le pouvoir? Où se cache la déesse? Si elle est à l'origine de tous et de tout pourquoi traque t-elle des sources de pouvoir qu'elles ne semblent pas avoir?

Tellement de questions.

Quel suspens.

Nous manquerons de hauteur et aimerions visualiser l'équilibre de la société vue par Dillieux, saisir ce qui serait en péril à harmoniser les différents peuples.

Nous continuerons d'être intrigués par la variété des sociétés développées par Arches, aucune ne semble vraiment offrir de paradis terrestres.

Ce qui y s'en rapprocherait, on le saisit en lisant, ce ne sont pas les lieux mais les liens, entretenus par des gens d'une même communauté. Avant de passer d'un enfer à un autre, Ophélie ( et nous) aura gardé probablement la certitude qu'il était très doux de vivre et grandir auprès d'une famille très aimante et soudée.

Sa seule raison de ne pas y retourner et s'y cacher, c'est Thorn, un nouveau "chez soi".

Ophélie se mettra librement en danger à l'arche de Babel car elle sait où se trouve enfin la clé des origines cachées: un centre d'étude ultra secret sur l'arche de Babel, sur l'étude des déviations de naissance. Cela pourrait aussi cacher un projet encore plus secret qui serait à l'origine des pouvoirs de Dillieux.

Cela reste encore une hypothèse et une piste à creuser.

Son accident de jeunesse permettra à Ophélie d'y être admise avec une excuse mais comme dans un centre de désintoxication de la vraie vie, la jeune femme devra signer une décharge et abandonner ses droits tant que la guérison n'est pas confirmée.

Comment pourra t-elle en sortir?

Patience et courage, jeunes lectures, il faudra encore un peu s'accrocher sur cette dernière ligne droite.

L'auteure aura en tous cas bien retourner les lois scientifiques dans tous les sens, les renouvelant et développant des théories inédites.

On est quand même bluffé devant autant d'originalité.

Cela fera un peu penser à la tentative de Philipp Pullman pour expliquer sa théorie de la poussière dans sa trilogie de " La Croisée des Mondes".

Il faudra s'aider de son imagination.

Le parallèle des gens inversés fait avec l'histoire des inverties de notre triste histoire du monde, son évocation même- des contre-natures traités dans des instituts spéciaux- sont bien plus violents que le traitement offert du sujet par l'auteure dans son roman car tout le monde n'aura pas la référence, n'aura pas saisi. Et c'est peut-être mieux ainsi.

L'auteure prendra son temps. Les volumes seront à chaque fois très épais, ils pourront impressionner mais on estcsurpris une fois embarqué.

En plongeant dans l'aventure, la lecture sera fluide et sans difficultés.

Nous aurons le vertige dans cet univers qui défie les lois de la physique, nous transporte d'une arche à l'autre par de multiples couloirs et roses des vents téléporteuses. On ne peut se fier à ce que l'on voit car même ce que l'on voit peut être dévier de son rôle, de sa nature.

Tout reposera là-dessus, sur l'effort requis par l'auteure pour que que les lecteurs imaginent un autre univers possible, tout en se détachant du notre.

Qu'est ce qui vous attendra sur ce tome final?

C'est à découvrir.

***************

CHRISTELLE DABOS