TÊTES HAUTES/ CATHY YTAK

TALENTS HAUTES

COLL LES HÉROÏQUES

2023

9792362665387

À PARTIR 15 ANS

: C'est la collection " Les héroïques" de Talents hauts, des destins historiques fictifs de femmes.

"Têtes hautes".

Certains comme nous aimeront le point de départ et même le titre plein de sous-entendu.

France, Années 20.

Nous suivrons des destins croisés de Paris à Douarnenez, deux styles de vie féminin que tout opposera.

Carol quittera sa Bretagne pour rendre service. Une place de bonne à Paris et une bonne place pour une fille comme "elles", modestes, travaillant la sardine durement tous les jours pour une paie encore plus modeste, ça ne se refuse pas.

D'ailleurs, Yarig sa cadette en voudra à leur mère de ne pas l'avoir choisi à sa place. Et pourtant et elle le sait, c'est Yarig que l'on avait demandé et sa mère a insisté pour placer Angèle.

Cela bouillonne chez Yarig qui n'en peut plus du haut de ses 17 ans de cette vie routinière et si rude.

Bienvenue à Paris.

Enfin, "bienvenue" c'est vite dit...

L'appartement d'Irina et de ses deux filles (guère plus âgée que Angèle et Yarig) permettra de naviguer d'une réalité à une autre, l'une riche et oisive où Angèle peinera à se faire respecter, l'autre pleine de contraintes à travailler la sardine pour la vente.

Que ne donnerait pas Yarig pour quitter son costume d'ouvrière bretonne de l'usine pour chausser un joli chapeau cloche à la mode.

Têtes hautes, pour ne pas avoir honte ou quand on se la racontera un peu de trop.

Yarig ne pourra se permettre de faire la fière comme Carol et Suzanne, de lever le nez, les mains dans le poisson toute la journée.

Tandis que le poste de bonne pourra nous paraitre soumis, c'est pourtant une bonne opportunité pour une jeune fille d'ouvrier, pour découvrir Paris, se créer des contacts parmi d'autres familles en mal de personnel de maison et se permettre d'envoyer des sous à la mère, d'en mettre peut-être de côté. C'est une occasion si l'on tombe chez de bons patrons.

"Têtes hautes", c'est un double récit, des filles riches et des pauvres, pourtant presque logées à la même enseigne, dites trop sensibles, trop négligées, trop fragiles, trop coquettes, trop mais jamais assez pour prétendre aux mêmes droits masculins pour décider de leur destin.

En lisant, on ne sait plus qui plaindre le plus, ces jeunes filles oisives exilées sur Paris d'origine russe qui s'ennuient et sont maintenues dans une "bêtise" sociétale arrangeante, la soumission assurant que la femme tienne sa place dans le projet "famille" sans demander d'avantage d'émancipation ou bien les petites bretonnes attachées à la tradition pour une misère et de dures journées, et ce parfois très tôt dans l'âge pour gagner de l'argent (car la famille, c'est merveilleux mais nombreuse sans l'avoir choisie parfois, cela coûte).

L'autrice démontre une situation de dépendance redoutable quand le père de famille meurt d'un côté pour la famille d'Angèle et Yarig, et que la mère de Carol et Suzanne, bien que médecin russe, fut contrainte de se remarier pour offrir une situation à ses deux filles.

Yarig et Angèle ne demanderaient pas mieux que d'être moins dégourdies et faire un peu la belle pour souffler, vivre leur adolescence.

C'est vraiment un roman qui amène très bien ces deux destins.

L'autrice Cathy Ytak profitera aussi de cette double intrigue autour de la place de la femme dans la société d'époque pour questionner le lecteur: serais-je mieux loti qu'elles si j'étais né à cette époque? Si j'étais une fille? Si j'étais un garçon?

Le cas de Carol sera d'ailleurs particulier car pour des raisons anatomiques, elle sera pourvue des deux organes. Ainsi ses parents, médecins, pouvaient lui choisir son destin.
Mais quel destin quand les garçons étaient appelés à la guerre à cette époque?

La vie est dure en effet et ces personnages qui tiendront la tête haute malgré l'adversité de la vie ordinaire seront d'une humilité et d'un courage attachants.

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-bibliotheque-des-ados/la-bibliotheque-des-ados-du-lundi-25-septembre-2023-9179437