KALÉIDOSCOPE/ BRIAN SELZNICK









BAYARD JEUNESSE

2023

9791036342196

À PARTIR DE 13 ANS







: Le nouveau roman de Brian Selznick se montrera très déroutant.

Il faudra s'accrocher mais il distillera un mystère que nous aurons envie d'éclaircir.

Il aurait pu s'appeler " Patchwork" ou errance mais il s'intitulera " Kaléidoscope", une image choisie de l'enfance, inspirant la fragmentation et le changement. 

S'en tenir à la définition du Kaléidoscope nous permettra de cerner l'aventure du livre.

"Kaléidoscope".

C'est un drôle de voyage onirique pour le lecteur.

Mais sans que l'auteur nous le dise, nous aurons aussi l'impression que les narrateurs de l'histoire rêvent. On ne sait pas ils sont plusieurs ou une même personne. L'auteur nous laissera vérifier cette question en lisant jusqu'à la fin.

C'est une suite de petites histoires étranges qui nous attendront, surréalistes, dont on guettera forcément le fil rouge important. Et pourtant la clé est là et nous ne le réaliserons que plus tard. Le kaléidoscope.

Qu'est-ce donc?

Un jouet visuel dans lequel on admire orienté vers la lumière les multiples facettes colorées et qui brillent. Sa particularité et son secret ludique: quand on le secoue, on obtient d'autres figures géométriques qui brillent dans l'objectif.

Cela plait beaucoup.


Un peu perdu au début, nous réaliserons que sans doute le roman fonctionnera de cette même façon.

Quelque chose d'étrange.

Où sommes-nous? Où serons-nous le chapitre suivant?

Il y aura des rencontres incongrues, des moments de non-sens amusants, des moments de temps suspendus à deux à regarder les étoiles ou à lire les histoires d'une bibliothèque loufoque.

Nous aurons l'étrange sensation que le monde se réinitialisera sans obtenir de vraie fin.


Quelque chose de familier.

Nous marcherons au symbolisme cachée en plus de chaque courte histoire différente. Ces histoires seront toutes des anecdotes d'un quotidien flou. 

Comme dans un rêve qui se renouvelera avec ses mêmes éléments inconscients et quelques autres en plus. Nous aurons une situation entre deux personnages et se glisseront ci et là des mots-clé que nous retrouverons tout du long - l'ombre, la pomme, les araignées, l'ange. Isolés, ils seront anodins. Mais comme dans un rêve, ce qui attirera l'attention, c'est la répétition. Et nous aurons envie que l'auteur nous révèle ce qu'il faudra comprendre, c'est une douce torture.

Hormis les transitions illustrées de kaléidoscope récurrente nous faisant passer d'une vision à une autre, il y aura toujours le jeune James dans ses multiples sauts oniriques.


Rêverons-nous bien avec lui dans le livre?

Aucune chronologie. 

Cet auteur est terrible et très confiant.

L'auteur cherchera indubitablement à nous perdre, dans l'imaginaire sans doute. 

Nous adopterons le moyen de survie: se raccrocher à chaque visualisation de la scène nouvelle en cours.

Nous serons attentif sinon il faudra abandonné, c'est presque une quète de lecture.

Mais elle ne sera pas facile, nous penserons avoir capturé du sens, satisfait d'avoir collé nos personnages comme une ombre et puis hop, le changement (comme avec le kaléidoscope).

Nous aurons presque cette impression d'avoir entre les mains le carnet d'un personnage qui aura rêvé toutes ses histoires bizarres, les aura consigné de peur de les oublier parce qu'elles sont importantes.

Mais jusqu'à quel point pour nous?


Dans chaque éveil des chapitres, nous attendra toujours James, un ami imaginaire dans l'une des histoires et un ami d'enfance plus réel ailleurs. 

Pourquoi devrons-nous nous rappeler de James?

Le narrateur indéfini dira s'éveiller mais ne saura jamais si il est bien réveillé. 

Bigre!

C'est flou et fou surtout avec une bascule systématique vers une situation nouvelle, aussi étrangère que familière, dans laquelle James est coincé sur l'île des rêves (et forcé de remplacer le roi de la lune qui est un marchand de sable) ou bien échoué sur une île avec un homme oiseau qui écrit des livres ou bien lisant près d'une rivière et se faisant surprendre par un géant de "papier" (on le devinera, de profil, il est invisible).

C'est un peu le multiverse et un monde de rêve sans fin.

Nous accepterons, un peu frustré, d'enchaîner sur une nouvelle version (c'est un peu ça les rêves, on démarre d'emblée sur une histoire avec le sentiment curieux d'être installé comme chez nous et de savoir ce que l'on y fait et ce qui nous attendra comme un présentiment. Dans certaines histoires, le narrateur aura un peu peur d'ailleurs d'aller au bout de l'aventure toujours initiée par James et il devra lui faire confiance.

L'auteur jettera quelques rumeurs de conte dans certains histoires pour nous rendre l'aventure un peu inconfortable, avec des histoires d'ogres, de sorcières, de gobelins et de changelins qui traineront très ordinairement. Comment ces créatures pourraient-elles fréquenter le coin très ordinairement?


Comme avec le rêve, il émergera une émotion.

Nous ressentirons sur les histoires les pertes et il y en aura, toutes différentes. 


L'incompréhension au fil de la lecture au final tissera un mystère qui accrochera comme une toile. Mais n'est-ce pas notre lot prévu: l'ombre et la peur inconsciente, la pomme et l'ambivalence du savoir qui délivre et qui piège, l'araignée qui capture (peut-être les rêves).

L'écriture aura la lourde tâche de nous embarquer, de nous retenir jusqu'au bout et là dessus, Brian Selznick s'y entendra bien, offrant des sentiments touchants à ses protagonistes étranges.

Grâce aux chapitres courts, nous serons tentés de lire et relire pour repérer ce qui nous échappera et par moment, les scènes deviendrons plus claires dans notre esprit si nous les acceptons pour ce qu'elles sont.

Lâchons prise sur cette lecture.

Il faudra s'accorder du temps sur un roman jeunesse qui se lira bien mais qui se montrera exigeant avec la curiosité du lecteur.

Cela pourra faire un penser pour certains au " Petit Prince" seul dans un monde de rêves, celui de Saint Exupery, avec cette atmosphère onirique et insoluble, hors temps, pétri de symbôlique et de paroles sybillines. 

Avec le lecteur, cela passera ou cela casseea, comme l'on dit.

Cela parlera surtout à notre sensibilité qui, elle, trouvera du sens à tout cela pour nous.

C'est une expérience littéraire insolite, à la fois douce et irritante, à tenter.

Heureusement ( et l'auteur y aura pensé), elle n'engage pas longtemps.






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BRIAN SELZNIC


AUTEUR



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CE QU'ILS EN DISENT?

https://www.babelio.com/livres/Selznick-Kaleidoscope/1477523

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